Une loi pour imposer un ratio infirmier-patient, une fausse bonne idée ?

Le Sénat vient d’adopter à très large majorité une proposition de loi qui imposerait un ratio infirmier-patient pour garantir des soins de meilleure qualité, plus de sécurité et de la sérénité pour les soignants mais aussi un gain d’attractivité pour les établissements qui peinent à recruter et à fidéliser.

Chez nearcare nous partageons cette évidence. Redonner du temps aux soignants est un enjeu vital pour les hôpitaux car cela permet de garantir la qualité des soins et les conditions d’exercice.

Pourtant, cette loi ne devrait pas passer face à la menace de fermeture de lits des établissements. En effet, une telle mesure n’est pas envisageable car il faudrait un plan de recrutement massif pour la mettre concrètement en exécution. Parler de ratios n’est en effet pas si simple dans le contexte actuel alors que les établissements de soins rencontrent des difficultés sans précédent de recrutement et d’attractivité ! Une situation paradoxale quant on sait que justement cette mesure pourrait contribuer à redonner de l’attractivité à la profession.

Une infirmière pour douze patients, c’est déjà très difficile. Alors, passer à quatorze ! Le soignant va déjà au plus urgent dans les tâches à faire dans le cadre de sa mission, mais il y a tout un pan du métier qu’il n’a plus le temps de faire dans la relation humaine et l’éducation thérapeutique. On parle souvent de la perte de sens et de manque d’attractivité, mais c’est exactement cela. Mettre un ratio est un axe majeur de l’amélioration des conditions de travail. confirme Pascal Carretey, Représentant du syndicat autonome FAFPH

En France, le nombre de patients simultanés dont un infirmier(e) ou aide soignant(e) a la charge est déterminé par la loi depuis une vingtaine d’années. Mais cette disposition ne concerne que des activités spécifiques : soins critiques, réanimation, unité de soin intensif, obstétrique, hémodialyse et chirurgie cardiaque. Dans les services dits « non normés », le calcul se fait le plus souvent compte selon les préconisations de l’Agence nationale de la performance sanitaire (Anap), selon lesquelles un infirmier peut s’occuper simultanément de… 12 à 14 patients hospitalisés ! Un chiffre largement supérieur aux moyennes internationales qui sont de 6 à 8 patients. En France, c’est parfois le double !

Selon de nombreuses études (cf sources), le ratio infirmier-patient a un impact direct sur le taux de mortalité, de complications médicales ou de durée du séjour pour le patient ; et sur l’augmentation des risques de brun-out et d’insatisfaction au travail pour les soignants … et réduire ce ratio permettrait d’économiser des sommes considérables.

Déjà il y a 4 ans (étude Odoxa), les hospitaliers se plaignaient de journées à rallonge et de l’accumulation des tâches administratives qui les éloignent des patients et de leurs familles.

70% des infirmiers et aides-soignants estimaient ne pas avoir suffisamment de temps pour parler aux malades. Pourtant ce temps est indispensable pour l’efficacité des soins.

La quasi-totalité des soignants considère que la direction n’est pas à l’écoute de leurs problèmes et n’essaie pas d’agir pour les résoudre. Ce déséquilibre entre les tâches administratives et temps de soins créait d’abord de la frustration, puis du surmenage, de la perte de sens, de la démotivation et un malaise profond qui est désormais installé depuis des années.

La situation dans les services de soins aurait commencé à se dégrader au début des années 2000. Des années pourtant que le gouvernement promet de s’attaquer aux besoins de personnels hospitaliers, il y a eu le Ségur de la Santé qui a apporté une avancée au niveau des rémunérations, bien que jugé insuffisant. Aujourd’hui, il y a du personnel soignant formé … mais ils ne veulent plus exercer. Ils ne veulent plus courir toute la journée.